Projection

Je suis encore profondément reconnaissante envers le tout premier supérieur que j’ai eu lorsque j’étais une jeune recrue. Il était toujours à l’écoute de ses collaborateurs, et nous soutenait inlassablement, peu importe les circonstances. Dans notre entreprise, chaque département devait atteindre un objectif de chiffre d’affaires à chaque trimestre. Un jour, je lui ai dit sans réfléchir : « Je vais faire de mon mieux pour tout le monde. » Alors que d’ordinaire, il s’exprimait avec douceur, il m’a répondu d’un ton étonnamment ferme : « Non, tu fais des efforts pour toi-même, pas pour les autres ! » À ce moment-là, j’ai cru que ce que je pensais était juste : « Si je réussis, tout le monde sera content… » Mais ce n’était qu’un fantasme, une projection de mes propres désirs. En réalité, ce que je voulais, c’était être reconnue et acceptée par les autres. Je disais de belles choses, mais pour de mauvaises raisons. Quand j’en ai pris conscience, c’était comme si un seau d’eau glacée m’avait été versé sur le cœur. J’ai eu honte, j’étais paniquée, j’ai eu envie de me justifier… mais la vérité était si évidente que je suis restée sans voix. Des larmes ont coulé, sans que je puisse les retenir.
Mais grâce à cette claque salutaire, je me suis réveillée. Je m’étais enfermée dans l’illusion de comprendre les autres, alors que je ne faisais que projeter mes propres émotions sur eux. La vérité d’un cœur ne peut être connue que de la personne elle-même. Et si c’est le cas, alors nous ne pouvons que nous concentrer sur nous-mêmes.
Ce supérieur était réellement un être exceptionnel. Notre service atteignait toujours les meilleurs résultats. Parce que chacun d’entre nous travaillait pour soi-même, avec conviction. Et cela nous poussait mutuellement vers le haut. Personne ne ménageait ses efforts. Le véritable bien naît lorsque l’on se fait confiance, que l’on est fier du travail que l’on accomplit, et d’écouter comment notre cœur réagit à ce que l’on fait vraiment. Projeter sur l’autre l’image de soi que l’on voudrait qu’il voie, ce n’est pas une démarche saine.
Depuis cette expérience, j’ai appris à distinguer clairement les problèmes des autres de mes propres préoccupations. Une relation de confiance authentique commence par une relation saine avec soi-même.